01 décembre 2009

Il parcourt désormais un autre chemin...

C'est avec une émotion certaine que j'ai appris récemment le décès de l'acteur/réalisateur/scénariste Paul Naschy (alias Jacinto Molina)... Il y a tant à dire et si peu de mots pour l'exprimer... ou trop, pour le cadre restreint d'un blogue ! Naschy, c'était (temps de verbe douloureux...) une véritable légende, c'était tout ce qu'on aime, la poésie de l'insolite, le délire, l'inventivité, le fantastique, la générosité, le foisonnement, la promesse d'un ailleurs délicieux et troublant... Contre vents et marées, il a défendu et illustré cette "belle bête" surréalisante et folle qu'est le fantastique racé pendant plus de 40 ans, dans un contexte socio-économique souvent difficile. Beaucoup de ses films étaient magnifiques, déroutants, imprévisibles, dotés, de surcroît, de versions françaises élégantes et littéraires. 

Il faut saluer la vision et la ténacité de l'homme et son imaginaire démesuré, hors du monde...  Il n'a pas hésité à aller jusqu'au Japon pour financer ses films des années 80 à une époque où le cinéma européen "de genre" s'exportait difficilement, proposant des oeuvres aussi hybrides que passionnantes...  Je lui dois des émois cinématographiques inoubliables...  J'ai au moins deux consolations (et une troisième, encore plus significative) :

1) Je n'ai pas vu tous ses films, et il y en a beaucoup.  Il continuera donc à vivre par-delà l'espace et le temps.

2) J'ai eu l'occasion de le rencontrer au festival Fantasia, voilà quelques années, et de lui dire en personne à quel point j'estimais son travail, sa vision et sa ténacité.  Il venait y présenter le film Rojo Sangre qu'il avait scénarisé... son testament spirituel, foisonnant, insolent, fort...   Je n'avais rien à lui faire signer, contrairement aux autres personnes qui sollicitaient un autographe, cela m'importait peu... Je voulais juste le féliciter et lui dire de continuer.

Naschy faisait du cinéma fantastique pour connaisseurs, il épargnait à ses fans les éternelles mises en situations propres à un cinéma fantastique plus balisé "grand public".  Dès son premier film, il s'adressait à un public cultivé, au fait des mythologies du fantastique et opposait différents mythes du genre, se posant, d'une certaine matière, en post-moderne avant la lettre, et rejoignant l'une de mes préoccupations : le métissage entre le cinéma d'avant-garde (formaliste, soucieux d'une mise en images et d'une esthétique soignée et originale) et le cinéma "populaire" (par ses thématiques, sa façon de heurter le politiquement correct, aussi).  Sa manière de travailler par accumulation avait quelque chose d'incroyablement stimulant et créatif, l'homme adorait se grimer et incarner des personnages multiples dans le même film...  

Un exemple parmi tant d'autres : El Aullido del diablo (1987) où il incarne (attention : liste incomplète !) Fu Manchu, le diable, le monstre de Frankenstein, Mr Hyde, le fantôme de l'opéra, Quasimodo, un loup-garou, et j'en passe ! La sensation de stimulation était d'autant plus forte qu'il ajoutait l'acteur Suisse et lunaire Howard Vernon à son film...  Naschy m'accompagne depuis plus de 15 ans...  Et il continuera à le faire au-delà de son décès.

Constat : depuis plusieurs années, je vois disparaître avec une tristesse réelle les représentants d'un monde qui sombre, littéralement... Et, non sans appréhension, je songe à ceux qui restent et qui sont voués à passer de l'autre côté du miroir...  Ma dernière consolation (mais elle est de taille !) est de songer que je partagerai ces visions et ces impressions avec mon indispensable complice onirique.

...

Sur une note plus légère, je remercie l'ami Jonathan Reynolds pour ses bons mots au sujet de mon blogue. Il semble que j'aie été "taggué" par le fait même et que je doive révéler quelques faits à mon sujet. J'accepte d'être bon joueur et de révéler quelques vérités énigmatiques...

1-Quelques manuscrits inédits sont en circulation en ce moment, notamment La Maison au fond de l'impasse (le titre désigne la maison éclatée et hantée dans laquelle j'habite) et Après ton nom, l'automne.  Les projets ne manquent pas non plus...  Le seul manque est de nature... temporelle !

2-J'ai écrit jadis un roman (inédit) pour la collection française Contraintes de l'éditeur de pulps Média 1000, encouragé par un ami européen (sommité du cinéma de genre, journaliste et réalisateur de documentaires "choc") qui y publia quelques ouvrages sous différents pseudonymes.  Le directeur de collection, Robert Mérodack, mourut peu après avoir lu mon manuscrit !

3-Je serais bien en peine d'expliquer d'où me vient mon goût pour l'étrange et l'inusité.  Je sais seulement qu'il a toujours été là et que je n'ai jamais eu l'impression de pratiquer "le genre" en dilettante.  Au contraire, ces motifs m'habitent et me poursuivent... pour moi, ils sont réels !

4-J'ai une admiration curieuse pour Gomez Addams (l'homme de la famille du même nom), appréciant son élégance, sa luminosité et son extravagance, mais également la dévotion qu'il voue à son épouse cryptique, Morticia.  

5-Je pense parfois à ce titre de chanson de Brian Wilson, I just wasn't made for these times en me disant que... c'est sans doute vrai.

6-J'ai une fascination inavouable (mais avouée !) pour les bandes dessinées éditées par l'éditeur italien ELVIPRESS et traduites et français par la défunte société ELVIFRANCE.  Plusieurs images tirées de ces livres démentiels illustrent ce blogue.  Mon camarade Patrick et moi traquons les publications de cet éditeur dans les bouquinistes, mais la source semble s'être tarie, hélas ! Ces récits faisaient preuve d'une inventivité difficile à battre, oscillant entre le génie et l'absurde ! Il y aurait là un matériau en or pour tout psychanalyste et un sujet de thèse à faire ! Dans le numéro 1 de la revue Cultures, Christophe Bier décrit quelques-uns des livres les plus inusités de cet éditeur, notamment le récit d'une "paysanne transformée en marguerite vivante et butinée par un nain déguisé en abeille bourdonnante".  Bier commente aussi la série Lucifera, cette femme "envoyée par Satan pour empêcher Faust de travailler sur son philtre du Bien [et] dotée d'un pouvoir incandescent carbonisant ses partenaires" ! 

7-Les photos de mon félin jaune qui ornementent ce blogue supposent toujours beaucoup de patience.  Pour une photo réussie, combien d'essais ratés ! Des preuves ? 

Tout à coup, moment de grâce inattendu :

03 novembre 2009

Le diable souffle sur Hurle-Vent

Voilà longtemps que ce livre m’intriguait. La force d’évocation du titre, déjà, était pour moi un incitatif notable. Et puis, il y avait une forte attirance dans la promesse de retrouver un univers de gothisme anglais empreint de romantisme, celle de l’appel d’une terre battue par la tempête que, par ailleurs, la plupart des illustrations de pages couvertures des différentes éditions ont bien rendue. Mon choix s'est arrêté sur une édition de poche parue en 1972, qui met en valeur une traduction écrite dans une langue un peu passée - idéale, au fond, pour bien rendre l’esthétique du livre… En témoignent des phrases comme : « Cette négligence ne lui messied pas » ou « Il y avait une trop grande disproportion d’âge entre eux pour qu’ils pussent avec vraisemblance être mari et femme ». Certaines traductions de classiques, par volonté de rendre l’œuvre plus accessible, la simplifient. On s’éloigne alors forcément du climat, de l’ambiance du texte d’origine, qui, lui, ne change pas avec le temps.Le plus étrange, dans le texte que vous lisez en ce moment, c’est sans doute que j’ai lu seulement… trente pages du livre en question, pour le moment ! Comme je n’en suis pas à une excentricité près, je suppose que cela n’a guère d’importance. Je puis déjà dire, de toute manière, que le livre remplit ses promesses de romantisme noir et d’atmosphère tempétueuse. Les références au diable sont par ailleurs incessantes, que ce soit par des expressions (« Que diable ! »), des comparaisons (« Le troupeau de pourceaux possédés du démon ne pouvait avoir en lui de pires esprits que n’en recèlent vos animaux » ; « - Mon aimable épouse ! interrompit-il avec un ricanement presque diabolique ») ou de singuliers commentaires (« N’avez-vous pas peur d’être emporté vous-même quand vous prononcez le nom du diable? »).

Ce qui m’étonne le plus, c’est la présence d’un humour très singulier, né des réflexions du narrateur. En constatant le laisser-aller des lieux où il rencontre son propriétaire, le narrateur, Lockwood, se dit : « Les bestiaux sont sans doute seuls à tailler les haies », ce qui crée, évidemment, une image carrollesque dans mon esprit. À propos de chiens qui tournent autour de lui alors qu’il est laissé seul, Lockwood remarque qu’il est « peu désireux de prendre contact avec leurs crocs ». La suite est singulière : « Pensant qu’ils ne comprendraient sans doute pas des insultes tacites, je me suis malheureusement permis de cligner de l’œil et de faire des grimaces au trio [de chiens], et l’une de mes expressions de physionomie a tellement irrité madame [une chienne que Lockwood qualifie plus tôt de « scélérate »] qu’elle est entrée soudain en furie et a sauté sur mes genoux ». Quand le propriétaire est de retour et qu’il interroge Lockwood afin de savoir si ce dernier a été mordu, la réponse est : « Si je l’eusse été, j’aurais laissé mon empreinte sur le mordeur ».
Terminons avec cet échantillon savoureux : « J’ordonnai à ces mécréants de me laisser sortir avec des menaces de représailles aussi incohérentes que variées et qui, par la profondeur et le vague de leur virulence, faisaient songer au roi Lear ».En bref, lecture fort stimulante qui a aussi l’avantage de me tirer du tumulte du monde actuel pour me conduire ailleurs. « Anywhere but here », comme l’aurait dit Baudelaire.

25 octobre 2009

Le 31 octobre...

J'incarnerai le Baron DesOmbres dans le spectacle La Fabuleuse histoire du Théâtre Tintamarre :

01 octobre 2009

Visite guidée de la confiserie musicale

Récemment, le journaliste français Jean-Emmanuel Deluxe (alias Jean-Emmanuel Dubois) a publié, chez le défunt éditeur SCALI, un intéressant volume consacré au « cinéma rock ». Paraissait presque simultanément un autre ouvrage sympathique, Bubblegum et sunshine pop, la confiserie du rock, aux Cahiers du Rock (Hélas, cet éditeur n’a pas de diffuseur québécois ni canadien. Il faut donc commander le livre d’Europe si on veut l’obtenir chez nous).Dans une série d’interviews, de commentaires, de suggestions et d’articles, l’ouvrage fait le tour de deux genres à la fois décriés et paradoxalement en voie de reconnaissance, le bubblegum et la sunshine pop. Si j’avoue avoir un faible pour le second (j’y reviendrai), le premier des deux genres a également son charme acidulé. La bubblegum, ce sont des chansons rock légères, un peu absurdes, répétitives, presque infantiles, qui, d’ailleurs, portent bien leur nom. Deluxe voit les racines du genre dans la novelty song (dont l’un des exemples serait le Monster Mash – on exploite une idée rigolote, un concept limité dans une chanson au refrain entêtant) : « Chansons aux paroles stupides et répétitives, à base d’onomatopées et d’allitérations [qui abordent] une thématique aussi idiote qu’obsédante », peut-on lire.Un exemple remarquable de ce genre de concept – en version nettement plus « garage » – serait la chanson Surfin’ Bird du groupe américain The Trashmen, formation du début des années 1960 dont le look de boyscout contrastait avec le caractère abrasif de leur chanson emblématique (En 1962, nombre de parents ont dû détester ce « single » démentiel dont les paroles se bornent à répéter que « l’oiseau est un mot » (The Bird is a word). Un épisode de la série animée Family Guy est centré sur cette chanson, le père Griffin écoutant ce disque jour et nuit, au désespoir de sa famille). Comme l’écrit Deluxe, la « bubblegum est souvent liée aux personnages de dessins animés et à l’univers enfantin ». Il cite les Archies, Josie and the Pussycats et les Banana Splits à titre d’exemple. Un pas de plus vers l’abstraction : de la musique (théoriquement) jouée et interprétée par des personnages en deux dimensions. Plus près de l’univers de ce blogue, on peut mentionner la série télé The Groovie Ghoulies, étonnant assemblage de segments animés qui était diffusé, quand j’étais tout jeune, sous un titre invraisemblable : Les Croque-Monstres. Époque où les monstres avaient la cote auprès des kids, comme en témoignaient des céréales qui en célébraient le culte ! Les épisodes de The Groovie Ghoulies, d’une vingtaine de minutes, alignaient les jeux de mots les plus navrans, déclamés avec emphase par des personnages improbables. La série se déroulait dans un château hanté habité par un vampire, un loup-garou, une créature de Frankenstein, un squelette animé, une plante carnivore, une téléphoniste vampirique, une sorcière et d’autres personnages du genre. Il n’y avait pas de réelles « histoires », seulement une succession vertigineuse de vignettes prétextes à accumuler des jeux de mots consternants (au premier degré) ou amusants (au trentième). Chaque épisode mettait en vedette la performance d’un groupe rock farfelu comme The Rolling Headstones ou The Mummies and the Puppies (dont je vous laisse imaginer l’apparence).Essentiellement un produit de studio, la bubblegum a ce côté gentiment dingue et halluciné qui permet de commencer la journée dans une sorte de… bulle… justement ! Le tout est à l’image du nom de l’un des groupes-phares du genre, l’impensable The 1910 Fruitgum Company !

01 septembre 2009

Croyez à mes envoûtements distingués

Lors de ma dernière virée à Montréal, je me suis arrêté à la Librairie Guérin (sur St-Denis). Vu de l'extérieur, l'endroit ne paie pas nécessairement de mine. À voir la morne vitrine étaler ses ouvrages fanés aux couleurs anachroniques, on a l'impression qu'il s'agit d'une librairie spécialisée dans les manuels scolaires. L'endroit est d'ailleurs assez singulier : une aire très restreinte destinée aux clients et un vaste espace situé derrière le comptoir. Je me souvenais y être allé voilà un bout de temps déjà et y avoir repéré un certain nombre de vieux pulps.Cette fois, j'ai été séduit par un roman au titre baroque : Croyez à mes envoûtements distingués, signé par une certaine Nadine de Longueval. La page couverture est signée par l'illustrateur Michel Gourdon, célèbre pour ses dessins destinés aux collections Angoisse et Special-Police de l'éditeur Fleuve Noir. Gourdon avait un style inimitable, à la fois romantique et bizarre (certaines de ses pages couvertures sont très drôles, j'ignore si c'était volontaire ou non. Il avait l'habitude, par exemple, de représenter des matous griffus et colériques, qu'il aimait placer à l'avant-plan. L'effet produit était décalé et bizarrement carnavalesque. Pour le roman dont je parle aujourd'hui, il a représenté une femme à l'air las, à côté de laquelle se dressent trois monstres invraisemblables.)Pour continuer à bien décrire l'étrangeté de ce bouquin, on notera qu'il est publié par le Fleuve Noir dans une collection dont je n'avais jamais entendu parler : "Présence des femmes", une collection majoritairement écrite par des auteures et destinée à un lectorat féminin. La collection n'a pas dû avoir une longévité considérable... Ce livre, paru en 1970, en constituait le 27e numéro. On trouve une liste des parutions précédentes, à la fin du livre. Certains titres sont assez irrésistibles : Rayon mariage, Le Métier de mari, Le Carnaval des coeurs...Le quatrième de couverture ne manque pas de charme. Une longue énumération décrit les composantes du livre : "Landes et mers bretonnes, calvaires terrifiants, légendes à faire peur, cris horribles dans la nuit d'encre [...], ravissantes jeunes filles, femmes étranges, envoûtantes, atmosphères de passion et de sensualité [...], disparitions, réapparitions, mystère, énigme et imbroglio". Cette prolifération d'éléments fait imaginer une sorte de roman extravagant et insensé auquel un principe d'accumulation donnerait sa structure narrative. Mais est-ce le cas ? Rêvons-nous ? Mystère, bien évidemment, car je n'ai pas lu ce livre, faute de temps. L'objet inusité qu'il constitue, en tout cas, est une jolie énigme, et comme les masques sont parfois plus séduisants que ce qu'ils recouvrent, il est agréable de laisser régner l'incertitude et d'imaginer tous les possibles. Je me plais à voir planer sur ce livre l'ombre de la grande Anne Radcliffe et de ses châtelaines perdues dans des architectures gothiques démesurées, courant dans une nuit si opaque qu'elle est presque solide. La première page du livre donne à lire une prose délicieusement alambiquée : "Ce poète refoulé et voué à des besognes mercenaires avait toujours préféré, aux fastes trop pratiqués et trop courus du Midi, aux mimosas de la Côte d'Azur et à ses décors touristiques, la plus secrète et déconcertante beauté des pays gris, humides, lumineux, pourtant, à leurs heures, au mélange de brume et de soleil retenu, au charme des cieux plus pâles sur les antiques localités que patinent leurs souvenirs historiques, recuites dans la dorure du passé, comme les portraits d'ancêtres ou les toiles de musées". On aurait voulu que la phrase continue encore pour se perdre encore plus dans ses dédales ! Il est également amusant de garder à l'esprit que cette collection visait un lectorat populaire...Je laisserai à l'autrice le soin de conclure ce billet par cette description qui annonce les plaisirs de l'automne à venir : "L'averse glacée débordait par petits flots argentés des gouttières tordues, ravaudées comme des chaussettes de pauvresses ; l'eau ruisselait des gargouilles aux faciès de monstres mélancoliques et rebondissait sur les pavés chaotiques, pétillant au bord du trottoir en engorgeant le caniveau. Un vent frileux charriait à l'horizon des nuées plombées, verdâtres. Et, au loin, les remparts où l'ombre s'étendait par degrés masquaient les premières plaines et le petit bois campagnard"...

01 août 2009

Sortir de l'ordinaire en claquant la porte

Ce blogue le prouve sans doute, en plus des films, livres et musiques insolites, j'aime les personnages pittoresques et surprenants, qui "sortent de l'ordinaire en claquant la porte" et qui ajoutent au monde une dose d'imprévu par la simple grâce de leur existence.

Dans un numéro récent de Jobboom, on trouve cette curieuse description de l'aubergiste montréalais Joe Beef, personnage ayant réellement existé et qui mériterait qu'on lui consacre un roman : "Franchir la porte de l'auberge "Joe Beef" dans les années 1870, c'était se frotter à une faune bigarrée. Parmi les habitués, on comptait en effet des singes, des perroquets, un ours buveur de bière ainsi que des travailleurs saisonniers et des bandits. Sans oublier le propriétaire, Charles McKiernan (surnommé Joe Beef, tout comme son établissement), un personnage haut en couleur qui récitait des poèmes contestataires debout sur le bar, un squelette dans les mains".Extraordinaire ! On aurait envie d'y être pour offrir un verre à l'ours ! Ou d'arriver dans une lecture de poésie avec un squelette sur les épaules. Cela n'est pas sans me rappeler le chanteur américain Screamin' Jay Hawkins, auteur de la célèbre chanson I Put a Spell on You, grand ancêtre des musiciens de Shock Rock qui prirent son relais par la suite (le peu subtil Screamin' Lord Such, mais aussi Alice Cooper ou même Marilyn Manson). Dans le Dictionnaire du rock dirigé par Michka Assayas, on peut lire au sujet de Hawkins : "Il est élevé par [...] des Indiens algonquins de la tribu Blackfoot [...] chez qui les rites magiques sont quotidiens [...]. Deux fois par an à partir de la puberté, il subit le rituel du guerrier qui marque le passage à l'âge adulte. Il rapporte qu'il a dû chaque fois survivre un mois entier seul et, de surcroît, absolument nu dans la forêt hostile, mangeant des racines, des herbes, de l'écorce, des crabes, des serpents, et il prétend avoir "même avalé des scorpions" ! [Au cours des années 50], Hawkins présente un spectacle où, petit à petit, la mise en scène prend une grande importance : costumes, colliers, faux serpents et araignées, références macabres, postiches, accessoires, trucs de prestidigitateur sorcellerie de bazar et hurlements de terreur dans le ton des films d'horreur les plus outranciers de l'époque [...]. Collier de barbe, coupe "pompadour" crépue, yeux ronds expressifs et sourire de maniaque sont souvent agrémentés de dents de vampire en plastique. Il porte toujours avec élégance ses costumes de satin, sa cape de Bela Lugosi ou, alternativement, son costume en imitation panthère pour figurant de Tarzan des années 30. "Henry", le nom du crâne fiché sur une canne, est son compagnon de scène depuis des décennies. Sans oublier le cercueil d'où il fait son entrée sur scène et dans lequel, dit la légende, l'un des Drifters le cloua avant un concert".Tout, sauf l'ennui ! Un grand musée baroque qui aurait comblé des Esseintes, le héros du roman de Huysmans À rebours, qui cultive l'excentricité pour mieux s'arracher à un monde qui l'exaspère...

Je termine en signalant le site des éditions Rivière Blanche aux amateurs de littérature fantastique en marge de la production mainstream. Fondée en 2004, cette maison d'éditions est une entreprise à nulle autre pareille au sein du paysage littéraire de 2009. Cet éditeur fait revivre le style et l'esthétique du Fleuve Noir dans sa période "classique" (années 50 et 60), par le biais de deux collections de SF ("Blanche" et "Bleue") qui reprennent la maquette de la célèbre et défunte collection "Anticipation" des éditions Fleuve Noir, mais surtout - ô miracle - grâce à la collection "Noire" qui ressuscite "Angoisse". Les lecteurs de ce blogue savent la portée symbolique et existentielle que revêt pour moi cette collection. La voir ressusciter sous une nouvelle bannière respectueuse de la tradition a quelque chose de très émouvant. Les livres de Rivière Blanche ne sont pas disponibles en librairie au Québec, ils le sont en Europe seulement chez quelques libraires (voir leur site pour des détails sur ce choix éditorial original, qui assure aux auteurs une rétribution "alternative" intéressante). On peut les commander sur le site web de Rivière blanche, et il n'y a pas de frais de port additionnels pour le Québec.On retrouve dans la collection "Noire" l'intégrale de la saga de Madame Atomos d'André Caroff, personnage maléfique dont Caroff avait raconté les exploits dans une série de romans devenus difficilement trouvables. Et que dire du roman intitulé L'Effroyable vengeance de Panthera et signé... Pierre-Alexis Orloff ? De vieux auteurs du Fleuve Noir y ressuscitent avec des inédits, telle Dominique Rocher avec un livre au titre fort beau, Les Terrasses de la nuit.Jubilation : on nous promet pour très prochainement des rééditions des premiers romans d'André Ruellan (alias Kurt Steiner). Ruellan avait imprégné ses romans d'angoisse d'une atmosphère indéfinissable et très onirique, donnant lieu à de véritables petits chefs-d'oeuvre."En se sondant bien, néanmoins, il comprenait d'abord que, pour l'attirer, une oeuvre devait revêtir ce caractère d'étrangeté que réclamait Edgar Poe, mais il s'aventurait volontiers plus loin sur cette route et appelait des flores byzantines de cervelles et des déliquescences compliquées de langue ; il souhaitait une indécision troublante sur laquelle il pût rêver jusqu'à ce qu'il la fît, à sa volonté, plus vague ou plus ferme selon l'état momentané de son âme." (Huysmans, À rebours)

17 juillet 2009

Fantasia 2009

Chaque année, une visite au festival Fantasia s'impose pour une foule de raisons : d'abord, la diversité de la programmation, qui permet de découvrir des oeuvres surprenantes, mais aussi de le faire sur grand écran, ce qui est une occasion rare d'apprécier ces films dans des conditions souvent optimales. Ensuite, l'ambiance électrique stimule la créativité et donne le goût d'être productif. Enfin, l'occasion de voir et revoir des amis, d'échanger, de vibrer.Mon passage à Fantasia fut bref, cette année, en raison d'engagements musicaux (quelques spectacles, notamment, donnés avec le groupe UN). J'étais à Montréal du 13 au 16. J'aurais aimé pouvoir rencontrer David Hess, le légendaire acteur du film culte The Last House on the Left, mais aussi de La Proie de l'autostop (superbe film avec Franco Nero et la musique de Morricone). Hess, musicien doué, a également écrit de très bonnes chansons. J'aurais été curieux, aussi, de voir Jose Mojica Marins, qui venait présenter son plus récent film... J'en serai quitte pour me contenter du compte rendu que voudront bien me faire quelques amis.Quelques commentaires sur ce que j'ai pu voir :

Book of Blood, d'après l'auteur Clive Barker. Adaptation très sage de deux récits de Barker (fusionnés pour donner lieu à une seule intrigue, il ne s'agit donc pas d'un film à sketches), cette histoire de maison hantée s'autodétruit avec une vigueur gênante à cause de son esthétique de téléfilm et de son manque d'audace scénaristique et visuelle. On ne sent pas tellement l'esprit de Clive Barker dans ce film tourné pour une diffusion télé (il sera présenté au SciFi Channel prochainement). Pas de quoi s'empêcher de dormir la nuit, d'ailleurs, à peine quelques jours après le film, j'arrive peu à m'en souvenir, ce qui n'est pas très bon signe. Dommage pour les fans de Barker, un auteur assez mal servi par le cinéma, il faut le dire. Bien qu'il ait un imaginaire personnel qui aborde certains thèmes audacieux, je dois aussi ajouter que je ne suis pas un fan de cet auteur.

Cette projection fut suivie par The Immaculate Conception of Little Dizzle, un film à prendre au trentième degré. Cette histoire de concierges qui deviennent "enceints" de curieuses créatures mutantes à cause de biscuits expérimentaux n'est pas du grand cinéma, bien qu'on puisse s'y amuser en faisant preuve d'une certaine ouverture d'esprit. On se retrouve devant un produit un peu vulgaire, dont l'intérêt majeur est sans doute la personnalité des protagonistes - certains sont assez amusants, notamment un artiste "d'avant-garde" qui règne sur une armée de concierges hauts en couleur. Le tout se veut grotesque, mais ça se laisse regarder avec le même état d'esprit qui présiderait au visionnement d'un John Waters ou d'une série B trash à voir à trois heures du matin.

Mon ami Patrick (chez qui je logeais) et moi avons sagement regagné nos quartiers après ce spectacle singulier. Le lendemain, journée de bouquinistes sur Mont-Royal et Saint-Denis. Hélas pour moi, aucune récolte de livres improbables ! Avant d'accuser le destin, je serai au moins juste en disant que ma dernière visite au Marché aux Puces de Trois-Rivières fut surprenante, compensant l'absence de livres insolites lors de cette virée qui aura eu le mérite de nous tenir en forme.

On remet ça à Fantasia dès 19 heures pour le film japonais Instant Swamp, sans contredit ma plus belle découverte du festival de cette année. Ce n'est pas un film fantastique, c'est un comédie à la fois éclatée et touchante qui foisonne d'idées lumineuses et de vitalité. La salle a été rapidement gagnée par l'énergie et l'enthousiasme de ce film réussi à tous les points de vue (esthétique, scénaristique, interprétation, timing humoristique, etc.).C'est le genre de scénario que j'aimerais bien écrire, avec des personnages excentriques, mais très vivants. On constate aussi, par le biais de ce film, que, d'une certaine façon, on vit dans le monde qu'on se crée soi-même. Cela m'a rappelé certaines idées de Jean Rollin par rapport à la "réalité". Ce que Rollin dit, en gros, dans certains livres, c'est : "S'il me plaît, lors d'une promenade, d'imaginer que je croise un homme à tête d'oiseau sur mon chemin, rien ne m'empêche de le faire... et de le voir réellement". Il ne s'agit pas là du déni du réel, mais bien de son enrichissement, de sa transfiguration. Les enfants, comme on le sait, possèdent ce pouvoir que, bien souvent, l'éducation et les conventions font disparaître. Préférez-vous vivre dans une réalité banale et prévisible ? J'ai choisi mon camp depuis longtemps, d'où un certain goût du baroque que je traque dans ses manifestations les plus quotidiennes. Voyez par exemple cette photo que j'ai prise chez ma soeur à Noël, où son chat s'invitait tout à coup comme convive distingué (ce même chat, Sushi, a l'habitude très drôle d'ouvrir la porte-patio pour laisser sortir un deuxième chat, Sasha. Sushi, qui sait bien qu'aucun félin n'a le droit de sortir de cette maison, se contente de regarder l'autre vagabonder illicitement... après lui avoir ouvert la porte, quand même !).Instant Swamp, donc, une petite merveille de comédie "réalisme magique" à la fois émouvante et très drôle, constamment inventive. On enchaîne avec Dread, toujours d'après Clive Barker. Mieux réussi que Book of Blood, le film n'est quand même pas un incontournable : on suit les expériences d'un groupe d'étudiants qui décide de faire un travail de session sur la peur. J'avais lu la nouvelle voilà très longtemps (au moment où j'étudiais pour passer mon cours de conduite automobile !). Le film lui est fidèle. On ne sent pas forcément une grande personnalité dans la mise en scène, très classique. Quelques passages sont efficaces et réussissent à provoquer le malaise. L'ensemble n'est cependant pas sans défauts, hésitant entre un parti-pris grand-guignolesque et une volonté de créer un drame au premier degré. Le réalisateur a répondu adéquatement aux questions du public. Disons que c'est un film correct...Mercredi, deux films, encore. D'abord, le film japonais The Clone Returns Home, qu'on qualifie de "film de science-fiction cérébral". L'expression n'est pas mal trouvée. Le film est soigné, sur le plan esthétique et artistique, c'est indéniable, mais j'avoue ne pas avoir aimé du tout. Pourquoi ? D'abord, sa grande froideur en dépit du fait qu'il tente de présenter une crise existentielle et quasi-métaphysique, optant pour un pathos surchargé qui sombre dans le mélodrame glacial. Il n'y a jamais une once de lumière dans ce film qui se veut toutefois réaliste, ce qui me semble assez contradictoire. On y privilégie un rythme extrêmement lent, ce qui n'est pas un défaut, mais encore faut-il que l'envoûtement se produise. J'ai pensé à deux reprises aux propos du cinéaste Jess Franco pendant cette projection. Franco qui disait ne pas aimer les films "de paysans lents", ces films d'art et d'essai où on voit un paysan entrer dans le champ de la caméra, à gauche, et cheminer (en plan large) lentement jusqu'à la droite... Le tout de manière contemplative. On retrouve ce genre de scènes à plusieurs reprises dans The Clone Returns Home. Ensuite, Franco, toujours, a souvent affirmé que vouloir faire un film pour passer un message est futile ; je dois admettre que je suis assez d'accord avec lui : il vaut mieux laisser aux spectateurs le soin de tirer leurs propres conclusions. S'il y a un message, il passera par le biais des événements racontés, mais à trop vouloir le souligner, le rendre explicite, même, par les dialogues et les réflexions des personnages, on se retrouve devant une oeuvre lourdement didactique dont la subtilité n'est pas du tout l'un des points forts. Cela séduira peut-être les critiques, mais me laisse de glace. Peut-être suis-je trop un être "de feu" pour succomber aux charmes congelés de ce film frigorifique, moi qui ai tendance à privilégier les passions latines, les préférant à la réserve et à la retenue dites "de bon goût".Dernier film vu, enfin, le thriller français Mutants, dont le périodique Mad Movies avait dit beaucoup de bien. Déception devant un scénario mille fois vu : un petit groupe doit se battre contre des mutants dans un lieu clos. Le tout généreusement assaisonné de gore très "adolescent". Le film se veut dramatique et au premier degré, mais devient grotesque par le biais de dialogues presque pataphysiques, d'une musique techno absolument à côté de la plaque, d'effets par ordinateur approximatifs. On en vient à espérer que la fin approche.Ensuite, nous nous rendons au Irish Embassy, pub irlandais où l'équipe de Fantasia se réunit souvent en fin de soirée pour partager ses enthousiasmes. Longue discussion avec Pat sur tout et rien, la création, le cinéma, etc., passionnant, comme toujours. Nous rejoignent à un moment donné notre ami Simon Laperrière (l'un des programmateurs du festival, que je remercie d'ailleurs pour sa collaboration), Mitch Davis et Karim Hussain (lequel remarque à regret que notre grande table est uniquement composée d'hommes, ce qui donne des cinéphiles fantastiqueurs une assez piètre image...! Cet état de fait changera heureusement après un petit moment). La discussion se poursuit abordant des sujets aussi variés que les livres de l'écrivain français Michel Butor, des scénarios en cours d'adaptation et d'autres histoires peu racontables sur un blogue. J'en profite pour remercier Philippe Spurrell, de Fantasia, qui fut également très chaleureux et sympathique. Philippe organise la semaine prochaine (le 22 juillet) une projection qui promet, un étrange film onirique finlandais, Le Renne blanc, précédé d'une rareté québécoise au titre délirant : Le Poulailler des temps perdus (1977). Il nous en a parlé avec un enthousiasme communicatif.C'est avec une certaine nostalgie, par conséquent, que je suis revenu chez moi avec un bagage de souvenirs et de moments joyeux. J'ai retrouvé mon chat jaune, beaucoup de courriels dans ma boîte de réception et une foule de projets à faire. À 2010 !Merci spéciaux à Patrick Lambert, Simon Laperrière et Philippe Spurrell.

01 juillet 2009

Soubresauts montréalais

Régulièrement, je vais à Montréal pour visiter un cercle d'amis cinéphiles et chers à mon coeur. Je reviens toujours de ces rencontres ressourcé et avec un sentiment de légèreté. On a notre petit rituel pas très compliqué : se rencontrer à l'heure convenue, aller parfois fouiner un peu à L'Échange, sur Mont-Royal, puis souper entre amis et apprécier une soirée psychotronique à la Brasserie Cherrier, rue St-Denis, endroit haut en couleur au décor kitsch et dont l'un des employés ressemble de façon troublante à l'un des malfrats du film de Wes Craven The Last House on the Left.On trouve également là un juke-box que nous alimentons parfois de succès douteux. Notre dernière trouvaille : on paie le même prix pour un morceau qui dure 2 minutes... ou pour une chanson qui en dure 17. Tentative vérifiée en faisant jouer le hit psychédélique d'Iron Butterfly (groupe psyché US qui sévit à la fin des années 60 et au courant des seventies), "In-A-Gadda-da-Vida", qui figurait parmi les sélections disponibles de ce juke-box. Commentaire de ma part en voyant ce titre:
- Non, ils n'ont pas osé ? Ça doit être une version écourtée.Il fallait confirmer, et aussitôt l'expérience amorcée, ça part pour 17 minutes de solos d'orgue acid, de guitare fuzzy, de rythmiques tribales avec... impensable... un long solo de batterie à mi-chemin ! On décide donc de maximiser notre investissement en choisissant systématiquement des pièces de 12, 13, 14 minutes, ce qu'on parvient à faire, métamorphosant notre petite mise monétaire en choix de DJ improbable et avide de chansons interminables. L'expérience fut rigolote et assez en phase avec le caractère kitsch du Cherrier.Ce caractère kitsch m'amène à vous parler d'un ouvrage assez amusant de Sébastien Diaz paru aux éditions La Presse et qu'une amie à moi, Gayle, a porté à mon attention voilà quelques mois : Montréal kitsch. L'ouvrage se veut une sorte de guide touristique qui présente 98 endroits pittoresques. Après une définition du terme kitsch et quelques exemples ("Vieux panaches d'orignaux, chemises western en polyester authentiques des années 70, lunettes de secrétaire en peau de crocodile... Lorsque ce qui a pu être out prend une allure définitivement in"), le parcours commence avec la liste des "incontournables" (notamment le Métro de Montréal - bien sûr, mais il fallait y penser ! Diaz décrit l'endroit ainsi : "Un véritable melting-pot de formes et de couleurs dont le côté kitsch est indéniable. Pastilles bleues semblant sorties d'un décor de Passe-Partout, mosaïques nous ramenant au macramé des années 70, briquetage jaune-orange digne de la cafétéria du cégep le plus reculé..."-, les Pyramides olympiques, l'Auditorium de Verdun "avec son look de grand entrepôt en tôle" et le Cinéma l'Amour où, plutôt que sur l'écran, c'est dans la salle "que semble se dérouler le gros de l'action").On trouvera aussi une liste d'endroits où manger, parmi lesquels le Restaurant Blanche-Neige (une murale immense représente "Blanche-Neige et ses sept nains [...] peints à même la structure du restaurant, en version panorama". On ne s'étonnera pas d'apprendre que "le Blanche-Neige a littéralement de quoi transformer une lasagne gratinée de fin de soirée en spectacle hallucinogène à grand déploiement) et le Spirite Lounge, "tenu par un hippie pur et dur autobaptisé Rozman et dégageant une forte odeur de patchouli". Où boire ? La Taverne Cou-Cou dont le groupe résidant, le duo Unisson, mêle "bandes préenregistrées à des solos de bongo, de tambourine ou de guitare, la musique de la formation musicale la plus psychotronique en ville" ; la Brasserie de Nos Aïeux ("L'enseigne au-dessus des machines de vidéopoker est formelle : SVP, un joueur par appareil") ; le Barfly ("Peut-être est-ce le vieux piano droit poussiéreux, le buste d'Elvis à la peinture écaillée ou le panneau de carton grandeur nature de Saku Koivu à la jambe manquante qui donnent l'impression très profonde de se retrouver dans le débarras ou le sous-sol d'un vieil oncle "ramasseux" d'objets inutiles. À moins que ce ne soit le vieux jeu de dards, la table en bois datant de l'âge de pierre ou les murs en ciment bleu marin qui confèrent à l'endroit le charme d'une salle de lavage de sous-sol de HLM") ?Où dormir ? Au motel Lido, après un passage par son Salon Chabord, "véritable cachot médiévo-cheapo" ! Où faire son shopping ? Chez Ameublements Elvis (le proprio se rendit à Vegas pour avoir le droit d'utiliser le nom du King pour son commerce), Dollar découverte (si vous cherchez "un tapis volant de Turquie, une épée de ninja ou une imitation de vase Ming en plastique vert fluo") ou Méga Dollar (Diaz cite quelques propos entendus là-bas : "Est-ce qu'il y a une limite d'articles par client ?" ; "Je ne trouve le rayon des pneus de voiture"). Où se divertir ? Des soirées de lutte au Centre saint-Barthélémy en passant par le Café chrétien de Montréal, le Bowling Darling, le Bingo Mont-Royal... On n'oubliera pas une épicerie vaudou et un plan d'attaque pour vivre une "journée kitsch" de même que quelques annexes bien utiles.(Photo d'une virée dans un autre bar halluciné de Montréal, le "Davidson" où une poète renommée de Montréal nous avait entraînés un soir, un - grand - ami et moi).

En gros, l'ouvrage (dont la page de gauche contient une photo et chaque page de droite, une présentation d'un endroit kitsch) se lit avec le sourire et permet d'immortaliser un monde qui est en train de disparaître. Il serait bien amusant d'en faire autant pour la Mauricie, je pense d'ailleurs à certains endroits pas trop loin de chez moi, comme ce Bar Rétro dont l'enseigne annonce : "Elvis, Beatles, Beach Boy", comme si le budget réduit du bar lui permettait seulement de faire entendre aux clients un seul des Beach Boys.Quand je me retrouve dans un tel endroit (ce qui n'arrive pas si souvent qu'on serait tenté de le croire), je me dis souvent que j'assiste aux derniers soubresauts d'une sous-culture qui retournera bientôt au limon originel dont quelque démiurge imprévisible l'a tirée au sortir d'un rêve fiévreux qu'il confondait sans doute avec l'état de veille...