22 mars 2008

S'accrocher

S'accrocher. S'accrocher pour ne pas tomber. Car on sait qu'en-dessous, il y a un gouffre. Qui attend son heure. Mais on sait qu'elle n'est pas encore venue. Malgré les indices qui, parfois, laisseraient sous-entendre le contraire. S'accrocher jour après jour. À tout le reste. À l'amitié. À de belles illusions. À la musique. À la littérature, mais pas n'importe laquelle, celle qui décape, celle qui incendie, celle qui est folle, celle qui est une sorte de train-fantôme dont l'intensité est baroque, celle qu'on pourrait résumer par le mot feu. Remember Breton : "La beauté sera convulsive ou ne sera pas". Je m'en rappellerai jour après jour. In My Hour of Darkness, comme le chantait Gram Parsons, celui-là même dont on dispersa les cendres dans le désert. Il y a ceux qui partent et les autres, les survivants.

Avoir envie de partir à bord d'un véhicule pour une destination dont on ne reviendra jamais. Se voir disparaître à l'horizon alors que le générique défile. Hold tight. Again and again...

Daniel Darc, Dark Angel

Voilà quelques mois, vers la mi-janvier, paraissait le dernier album de DANIEL DARC, Amours suprêmes.

Daniel DARC, ex-chanteur du groupe culte français TAXI GIRL. TAXI-GIRL, un groupe "alternatif" des années 80. Daniel DARC, Un survivant sur qui tout a été dit - ou presque -, tout a été écrit - ou presque. Darc, qui se rêvait légende punk, parachuté idole d'une new wave branchée et synthétique à l'aube des années 80 glaciales et artificielles. Ou comment devenir le contraire de ce qu'on voulait être. J'ai découvert sa musique via le meilleur album de TAXI GIRL, Seppuku (1981), dont les textes alignaient tour à tour leurs fantasmagories sombres et tourmentées. Un musée des horreurs qui promettait peut-être des frissons instantanés et faciles, certes, mais, néanmoins... Déjà des chansons de deuils et de violences, Viviane Vog (qui tranche ses veines), La femme écarlate, Avenue du crime, Les damnés, etc. Ambiances musicales à mi-chemin entre les DOORS et les STRANGLERS, avec les claviers proéminents de Laurent Sinclair. Acheté en vynile alors que j'étais adolescent, mais déjà paru depuis une dizaine d'années.TAXI-GIRL, c'était le suicide et l'autodestruction greffés à une musique en apparence anodine. Les membres ont disparu l'un après l'autre : morts, séparations, etc. De cinq qu'ils étaient au départ, à la fin, ils n'étaient que deux. Darc et Mirwais. C'était logique qu'il n'en reste qu'un à un moment donné, soit en 1986... Enfin, si l'on peut dire, puisque les deux ont continué à faire de la musique. Mirwais pour Madonna. Darc pour lui-même. Pas trop difficile de choisir son camp.

Après une absence discographique de plus de dix ans, Darc revenait en 2005 avec CRÈVECOEUR, un album d'une étonnante intensité. Où il donne. Dans le dernier numéro du périodique français ROCK & FOLK, on trouve cette citation qui résume tout :

- J'ai remboursé.

Remboursé les excès, les plaisirs éphémères, les années dissolues.

Et on devine que la facture a été - est encore - considérable.Darc, à qui demande pourquoi il boit et prend de la drogue, pourquoi il se cause ces problèmes, il répond :

- Ce n'est pas un problème, c'est une solution, sinon je serais mort depuis longtemps.

Avant de casser l'ambiance déprimante par cette citation :

- Mick Jagger disait : "Je n'ai pas de problèmes avec la drogue, j'ai des problèmes avec la police".

N'empêche... Au-delà de l'humour (temporaire, mais il faut bien survivre), il reste AMOURS SUPRÊMES, ce dernier album, dont les textes sont d'une telle intensité que, parfois, il vaut mieux ne pas y penser. Chansons-bilans sur les remords, le deuil, la vieillesse, la solitude, l'errance... On s'y perd tout en s'y trouvant. En faisant le bilan à un journaliste d'un périodique goth français (était-ce ELEGY ou THE D-SIDE ? Je ne me souviens plus), il disait :

- Tu sais, quand j'aurai fini cette entrevue et je vais rentrer chez moi. Tout seul. My house is not a home.

Bilan amer. Au moins, Darc aura mis cette douleur au service de sa musique, évitant donc les jeux de mots faciles, les formules vides et autres solutions aisées de beaucoup de paroliers.

Deux documents vidéo pour vous permettre de mieux le connaître. Un extrait d'entrevue. Un clip où il titube et où on peut constater ce qui émane de l'homme et de sa musique. Merci, Daniel, pour me permettre de m'accrocher encore.





Les photos sont tirées du site www.danieldarc.net

07 mars 2008

Étrange, étrange marché aux puces...

Je l'ai déjà dit : j'aime bien les marché aux puces pour les étonnantes découvertes qu'on peut y faire. Il faut, bien sûr, être quelque peu fasciné par la culture kitsch pour y trouver son compte, mais, adepte ou non, on trouve là des objets qu'il serait impensable d'espérer trouver ailleurs...

Pour vous le prouver, j'ai rapporté ces quelques preuves (en tout temps, vous pouvez agrandir la photo en cliquant sur l'image) :

Tout d'abord, l'étrange panneau qu'on trouve en entrant :Je défie quiconque de comprendre le sens des modifications qui ont été apportées à l'inscription d'origine.

On a aussi le culte de la relique, comme en témoignent ces quelques photos de bouteilles vides à vendre (excusez le photographe pour leur aspect flou, il était difficile de prendre ces photos, car on me couvait constamment de regards suspicieux). Ces bouteilles "vintage", tout d'abord, n'ont rien perdu de leur silhouette trappue :Ici, plus grave, on trouve une bière "dow" au sujet de laquelle le site web EXPLORATION URBAINE nous révèle : "La Dow fut jusque dans le milieu des années 1960 LA bière au Québec, la plus vendue. Si populaire qu'avec ses quelques variétés la Dow était plus vendue que Molson et Labatt ensemble. En 1966 les ventes de Dow subiront un énorme coup de poignard alors que 16 hommes de la ville de Québec meurent l'un après l'autre des suites d'une grande consommation de bière. Il sera démontré qu'ils sont morts d'une maladie cardiaque et qu'ils étaient tous de grands buveurs de Dow. [...] La compagnie décida de rappeler toute la bière produite et de la jeter dans le fleuve. Au lieu d'avoir un effet rassurant, la campagne de rappel sonna la fin d'une époque: la brasserie ne réussira jamais à regagner la confiance du public. Quelques mois après la campagne de rappel, le Dr.Yves Morin de l'institut de cardiologie de Québec démontra que plusieurs brasseries dont Dow utilisaient des sels de cobalt pour augmenter le collet de mousse de la bière. Ce sont ces sels de cobalt qui auraient été responsables de la mort des 16 hommes. L'usage de tels additifs fut interdit et aucun autre cas n'est survenu depuis."
Les stands sont souvent aussi poussiéreux qu'hétéroclites. Cette photo est assez révélatrice. En l'examinant attentivement, on remarque un "portrait de clown" plus ou moins maléfique (selon votre perception), des boîtes remplies de vis (à droite), des sculptures sur bois, un pichet en plastique jaune, un seau, des bouteilles de boisson gazeuse, un dessin encadré qui représente une femme dans sa cuisine, une photo de champions canadiens, un vieux modèle de radio. Un point à qui trouve le lien...Aucun marché aux puces qui se respecte ne saurait être complet sans la présence d'Elvis Presley. On remarque ici un calendrier avec le "King" période "armée". Derrière, on distingue aussi un autre cadre de Presley. Plus bas, deux photos (floues) de la même plaque d'immatriculation Elvis...

Parmi les objets qui laissent perplexe, ce livre et ces "jouets" qu'on n'oserait pas offrir à ses enfants :
La religion n'est pas en reste, comme le démontrent ces deux objets :
On viendra ensuite s'étonner que les églises se vident... J'ai aussi trouvé là-bas la plus ahurissante collection de disques vyniles qu'on puisse imaginer. En voici un échantillon :












J'allais presque oublier ce livre : La faune qui peuple les lieux est aussi assez pittoresque. On peut entendre des extraits de conversation qui frôlent le théâtre de l'absurde. L'un des vendeurs, plutôt familier avec sa clientèle, affichait gentimentcet avertissement, scotché sur la vieille chaîne stéréo qu'il vend 150 $:En souhaitant que cette visite guidée d'un musée surréaliste vous a diverti, je vous souhaite une bonne journée.

Quelques nouvelles

Ayant été littéralement débordé ces derniers temps, je n'ai guère eu le temps d'entretenir ce blogue. Je prépare toutefois quelque chose sur ma dernière visite au marché aux puces de Shawinigan, lors delaquelle j'ai réalisé un reportage-photo plutôt amusant.

Sinon, le lancement conjoint de mes deux derniers livres aura lieu jeudi prochain (le 13) à la librairie Clément-Morin/Café Morgane (4000 Boul. des Forges) de 17 à 19 heures. Vous y êtes chaleureusement conviés.