30 mars 2007

A L'INTENTION DES OMBRES

À L'INTENTION DES OMBRES, oui, tel est le titre d'un recueil de nouvelles à paraître en 2008. J'ai eu le coup de fil de l'éditeur hier. Je dévoilerai son identité quand j'aurai signé le contrat d'édition. Voilà une belle nouvelle ; ce sera mon 10e livre (déjà !)

Ce sont quoi, ces textes ? Majoritairement des nouvelles fantastiques et
insolites, avec quelques escapades dans le polar et la littérature générale.



Dans ce livre que je lis présentement (GOTHIC, de Gavin Baddeley), on trouve cet amusant passage sur le cinéaste américain Ed Wood - des choses que vous savez déjà, mais qui sont formulées de façon assez amusante :

"Bela Lugosi [...] fit partie de la troupe d'acteurs monstres de foire que le réalisateur avait rassemblée pour tourner ses films dérangés : Vampira, la présentatrice de films d'horreur bien connue, Criswell, le médium de la télé tristement célèbre pour ses [prédictions] incorrect[e]s, et un lutteur suédois chauve de 180 kilos, nommé Tor Johnson.

À cette époque, Lugosi combattait son alcoolisme et une dépendance à la morphine, et sa carrière ne pouvait tomber plus bas. Dans le film de Wood GLEN OR GLENDA (1953), il tient lieu de narrateur, et dit au héros de prendre garde au "gros dragon vert assis sur votre seuil. Il mange les petits garçons, [les queues de chiots et les gros escargots] !" ; pour couronner cette plongée dans l'absurde, à un moment, l'image d'un troupeau de bisons en train de charger se superpose à son visage tandis qu'il scande "À l'aide ! à l'aide"

Quelques jolies images :

- Un Bela Lugosi de mauvaise humeur dans le film d'Ed Wood BRIDE OF THE MONSTER :



- Vampira et Tor Johnson (devinez qui est qui) :



- Criswell, auréolé d'une aura verte du meilleur goût :

28 mars 2007

Fantasme et cauchemar à l'américaine : Jayne Mansfield

Décor : années 50. On cherche une autre Marylin Monroe, une Marylin "bis". Battre le fer pendant qu'il est chaud. On tentera toujours de reprendre une recette à succès. Des psychanalystes l'expliquent en affirmant qu'il est impossible de renoncer à un plaisir qu'on a connu. Il y aura Mamie Van Doren et quelques autres, dont la plus particulière est peut-être Margaret Lee, doublure de Monroe qui, très sage au départ, finira par commettre un meurtre qui mettra un terme à sa carrière et l’enverra en prison. Elle n'aimait pas ce fan qui lui faisait une cour trop assidue, dira-t-elle pour se justifier. Certaines ont le couteau facile. Pour reprendre le titre d'un polar écorné qui traîne chez moi, Les blondes ont la vie dure.

Il y aura Jayne Mansfield. Dotée, dit-on, d’un quotient intellectuel supérieur, elle incarnait généralement des personnages de « blonde idiote », déjà un vieux cliché qui - comme les blondes - a la vie dure. Dure comme la mort.Soyons pittoresques : à ses débuts, Jayne a refusé d’être nommée Miss Fromage Roquefort, car elle trouvait que « ça ne sonnait pas bien » à l’oreille. En vérité… Pourtant, elle était assez carriériste, il faut le dire, rêvant d’être une superstar. À 21 ans, elle déménage à Los Angeles avec son époux de l’époque, pour prendre des cours d’art dramatique. Elle décroche de petits rôles dans des films aux jolis titres, que je n’ai d’ailleurs pas vus, mais que j’aime commenter malgré tout, soyons imaginatifs :

FEMALE JUNGLE (1953) – visions d’une jungle de carton pâte dominée par une tribu d’amazones. Quelque part, entre deux stock-shots, Jayne Mansfield, sa blondeur écrasée par un soleil en noir et blanc.

PETE KELLY’S BLUE (1955), dans lequel elle incarne « la fille à la cigarette », que je me plais à imaginer en femme fatale, fréquemment accoudée au comptoir d’un bar de jazzmen, une femme fatale dont la sœur spirituelle serait Dominique Wilms, « La môme vert-de-gris ».Tout cela est bien joli, mais le vrai début de miss Mansfield se produit à New York, dans la comédie WILL SUCCESS SPOIL ROCK HUNTER… On croit que tout est parti pour la gloire, ensuite, avec de grosses productions hollywoodiennes (et parues en DVD récemment), dont THE GIRL CAN’T HELP IT, qui la lance (comédie rock and roll, dont le technicolor flamboyant souligne le caractère factice… Mansfield incarne une ingénue qui n’a aucun talent pour le chant. Son prétendant, obnubilé par elle, veut absolument en faire une chanteuse à succès. Ça vous rappelle quelque chose ? Moi oui...! Entre des prestations musicales tapageuses (dont celles de Little Richard, de ce cher Gene Vincent et de Julie « Cry me a River » London), la comédie bon enfant déroule ses vagues dans lesquelles il fait bon s’immerger si, dans le cœur, on a besoin d’un réconfort hivernal. Quant à Julie London, elle a réussi sa carrière essentiellement à cause de ses pochettes d'albums...Quelques films remportent du succès, on parle beaucoup de Jayne dans les journaux mondains…

Et c’est ensuite qu’elle commence à m’intéresser plus. Quoi que... je l'aime aussi avant, quand même, Jayne, car je sens en elle et autour d'elle un délire sous-jacent et permanent.

Jayne s’éprend du culturiste hongrois Mickey Hargitay, ex Monsieur Univers 1955, celui-là même qui incarnerait par la suite quelques-uns des rôles les plus hallucinés du cinéma italien. Je pense notamment au BOURREAU ÉCARLATE (1965) du film du même nom, dans lequel il hurlait « Je suis le bourreau écarlate » dans les sous-sols d’un château aménagé pour terrifier un groupe de photographes de mode, le tout dans des couleurs pop art et dans des décors expressionnistes (ô, toile d’araignée géante, comme je me souviens de toi).Jayne Mansfield adorait la couleur rose au point de se faire construire un véritable palais dont tous les objets étaient de cette couleur. Son époux Hargitay, qui adorait sa femme, en fut le maçon et l’architecte. Mansfield le remercia en le trompant à qui mieux-mieux et en le quittant sans remords. En retour, Hargitay n’oublia jamais Jayne Mansfield. Je me souviens d’un documentaire tourné récemment, dans lequel il pleurait encore en repensant à Jayne.

J’aimerais bien, un jour, faire l’objet d’une telle fidélité…

Poursuivons charitablement...:

Au cours de sa carrière, Jayne avait la fâcheuse manie de multiplier les incidents du style « sein de Janet Jackson exposé pendant le superbowl ». C’étaient toujours, selon la principale intéressée, des « accidents », mais leur caractère répétitif laissait certains détracteurs sceptiques.

Les bons rôles s’épuisent. Monroe est morte en 1962. On cherche autre chose, en ce début de décennie 1960. Le cinéma européen récupère Jayne, voulant essentiellement profiter de son statut de sex-symbol. Le noir et blanc remplace le technicolor friqué, Jayne se dénude pour PLAYBOY, a des aventures de plus en plus extravagantes (on raconte entre autres que Hargitay l’a surprise avec deux hommes - à replacer dans le contexte du début des années 60 svp), boit de plus en plus, pleure, est malheureuse, etc.

Son visage s’épaissit, s’enlaidit. Où est passée la jeune femme qui, au départ, donnait l’illusion d'être une gentille ingénue incapable de se rendre compte de l’effet qu’elle produisait ? Elle a été absorbée par l’autre, fausse-vamp racoleuse au visage boursouflé. Et il y a la tristesse, au fond de ce regard plein d'une joie fabriquée.

Quelques beaux titres de films avec Jayne Mansfield, post-1960 :

- Les amours d’Hercule
- The Dumbest Blonde
- The Fat Spy
- The Las Vegas Hillbillys (film country)

Je garde le plus bizarre pour la fin.

Jayne a connu un destin tragique : elle est morte dans un accident de voiture qui l’a décapitée. Sa vie, de toute façon, avait pris une tournure de plus en plus chaotique. On parle d’une liaison avec Anton La Vey, le dirigeant de l’Église de Satan. Cette photo tend à prouver qu’ils se connaissaient, en tout cas:D’aucuns, avec le goût du sensationnalisme et de l’occulte, disent que l’accident a été provoqué par La Vey, à qui Mansfield se refusait un peu trop…

Dernier film pour Jayne Mansfield : un film-collage halluciné (que je n’ai pas vu, d’ailleurs, alors voilà pour la crédibilité) intitulé THE WILD, WILD WORLD OF JAYNE MANSFIELD. En gros, un producteur avisé a acheté des archives personnelles de Jayne, petits films amateurs qui sont en fait des souvenirs de voyage, où on la voit dans diverses villes, souriante, etc. Il y a intégré une narration récitée par une imitatrice de Jayne… Ces scènes servent d’intermède entre deux visites de boîtes à strip-teases, dans lesquelles Mansfield n’a bien entendu jamais mis les pieds.Pour clouer le cercueil, ce "documentaire" se termine par des extraits d’archives tournées après l’accident de voiture de Mansfield. On y voit la voiture démolie, etc. Et on finit avec une visite de son palais rose, déserté, le tout présenté par un Mickey Hargitay complètement défait. Une épitaphe plutôt… cynique ?

Pauvre petite Jayne, paumée dans la nuit hollywoodienne et dans les décors de carton-pâte de Cinecitta ! On aurait envie de te prendre dans nos bras pour te dire que tout ira bien. Alors, en arrière-plan, on entendrait Brian Wilson chanter "Don't Worry Baby" et on aurait l'impression furtive que tout est encore à construire... et que, peut-être, le soleil ne se couchera plus.

23 mars 2007

Extraordinairement fantastique !

Cette pub rigolote de HMH m'a toujours amusé :

19 mars 2007

LE TEMPS DÉTRUIT-IL TOUT ? CATCH A WAVE...


Je viens de terminer la lecture de cette impressionnante biographie consacrée à Brian Wilson et aux Beach Boys. C'est véritablement l'enfer de la médaille, les insectes cachés sous le caillou illuminé par le soleil.

Au-delà de tout ce qu'on apprend (et qui serait trop long à résumer ici), un aspect du livre a retenu mon attention, créant une étrange "correspondance poétique" avec le film de Gaspar Noé IRRÉVERSIBLE. Dans ce film assez dérangeant, l'un des personnages dit :

- Le temps détruit tout.

S'il est un aspect que CATCH A WAVE met en relief, c'est bien les ravages du temps. Thème éculé, peut-être, mais néanmoins souvent véritable. L'optimiste en moi (finira-t-il par périr, d'ailleurs ?) refuse de croire que "le temps détruit TOUT", mais je dois me rendre à l'évidence : il détruit pas mal de choses... Il corrode, érode, gruge... Des amitiés, la naïveté, la confiance envers soi et envers les autres, la spontanéité, etc. C'en est à se demander comment on réussit à ne pas devenir un squelette.

Mais, bien sûr, il faut se relever, n'est-ce pas ? Il faut toujours se relever...

CATCH A WAVE raconte en détails comment un groupe de jeunes musiciens, dirigés par un compositeur dont le talent croît de façon exponentielle au fil des albums, finit par se fourvoyer dans tous les pièges possibles, avant de devenir une odieuse caricature de ce qu'il fut à l'origine.

Les Beach Boys, à peine sortis de l'adolescence, chantaient les joies du soleil, de la liberté, de l'amour... 1961, 1962, 1963, 1964... FUN FUN FUN, DO YOU WANNA DANCE ?, SURFIN' USA... Que de la naïveté et une vision idyllique d'une vie insouciante.



Puis, déjà, à partir de 1965, la volonté apparaît, chez certains membres du groupe, de "respecter la formule" qui assure un succès commercial, car, après tout, il faut payer la maison, les voitures, entretenir les maîtresses, etc. Éternel combat du négoce et de l'art. De l'autre côté, Brian Wilson, compositeur de plus en plus tourmenté dont la création artistique est une planche de salut... Wilson qui veut enregistrer "le meilleur disque de rock de tous les temps", de plus en plus ambitieux et expérimental dans son approche, se heurtant à l'incompréhension de son groupe (formé de ses deux frères, du cousin Mike Love et de l'ami d'enfance Al Jardine)... Conséquences : après avoir travaillé pendant des mois sur un album très ambitieux (SMILE), il amorce une dépression, une descente en enfer qui dure presque 10 ans, pendant laquelle... :

- Wilson devient obèse et drogué, passant de nombreuses journées alité...
- Le groupe, encore hier adulé, est considéré comme trop désuet, naïf, voire arriéré, par la relève des nouveaux groupes de la seconde moitié des années 60 et par les fans de ces nouveaux groupes (Doors, Jefferson Airplane, etc.). Il n'est plus d'actualité de parler d'âneries de leur genre alors que la guerre du Vietnam fait des ravages, que des émeutes ont lieu, que des problèmes raciaux ébranlent l'Amérique... et j'en passe.

D'où :

- Tentative du groupe de rester en phase avec son époque (de jolies barbes apparaissent, les paroles traitent de thèmes écologiques, etc.). Le plus intéressant, dans tout ça, c'est que cette réaction donne lieu à d'excellents albums, à mon avis (HOLLAND, SUNFLOWER, etc.), albums qui ne sont PLUS écrits par le "génie" du groupe, mais bien par les autres membres.

Cette phase n'est donc pas catastrophique, MAIS :

- Les albums ne se vendent plus. Que faire ? Ressusciter le mythe. Le mythe = Brian Wilson, génie aux ailes brûlées, terré dans un mutisme musical depuis de nombreuses années. D'où la campagne BRIAN IS BACK... Un traitement de choc propulse Brian Wilson derrière la console : il produit deux albums bancaux, dénudés, dont les arrangements précaires ont de quoi surprendre... Chansons enfantines, naïves, qui parlent du système solaire, de Johnny Carson, de l'avion, etc.

Et c'est là où la catastrophe commence. Les albums ne se vendent pas (mauvaise promo, et le groupe, en plus, n'est pas satisfait des chansons de Wilson, trouvées trop bizarres, mais dès 1966, beaucoup de morceaux que Brian Wilson proposait étaient jugés (par son groupe) insuffisants, déconcertants, peu commerciaux).

Que faire ? Retourner aux "valeurs sûres", c'est-à-dire régresser avec des chansons sur le surf, les filles et la plage...... tout ça chanté par des hommes qui n'ont plus rien des jeunes naïfs qu'ils furent jadis. Des types drogués, désabusés, paumés, cyniques, qui se détestent au point de ne plus entrer sur scène ensemble, qui vont même jusqu'à se battre pendant un concert... Je vous laisse imaginer la catastrophe imminente, dont une longue version disco d'un vieux morceau soul constitue la pointe d'un iceberg empoisonné. Quelques jolies balades subsistent sur l'album de 1979 (LIGHT ALBUM), mais ensuite, là, vraiment, destination enfer.

Brian Wilson est traîné presque de force sur scène... Terrifié, il arrive à peine à "assurer"...

Son frère Dennis, aux prises avec son caractère excessif, compose aussi des chansons d'une beauté étonnante - il faut le dire, car on a trop souvent évoqué le cas de Brian Wilson seul. Bon, on peut admettre que les autres (en particulier Mike Love) ne donnent pas dans le génie, encore moins après 1974...

Que penser de KEEPIN' THE SUMMER ALIVE et THE BEACH BOYS ? (l'album à la production qui tue : 1985, des synthés, des solos de sax alimentaires)...

Brian Wilson se lance en solo (bonne idée), mais il s'entoure de producteurs peu doués. On surcharge ses albums de synthés, ou alors on lui donne un son SOFT ROCK (IMAGINATION, 1998) qui lui ôte une bonne part de crédibilité, à moins d'avoir une oreille capable de faire le tri.

Le reste, au moins, est constitué en partie de bonnes nouvelles : parution de l'album SMILE en 2004, salué par la critique et, accessoirement, salué par moi.

They say that Brian is back... Il est de retour, Wilson, mais on voit qu'il a traversé l'enfer. Et ça, ça laisse des marques.

Le temps ne détruit donc pas tout, mais il a des griffes...

10 mars 2007

LA NUIT CONTINUE DE SOUPIRER

Le roman avance. Peut-être sera-t-il mon ouvrage le plus long ! Chose certaine, c'est une lutte quotidienne. Bien sûr, l'affirmation peut sembler hyperbolique, mais le travail sur l'écriture est tel que chaque paragraphe me demande une grande réflexion. De quoi ça parle, ce livre ? Il serait trop tôt pour le dire, mais c'est une sorte de roman surréaliste. Ce surréalisme se situe à la fois sur le plan du langage et sur celui de l'univers décrit. 

À part ça, quoi de neuf ? Avec une certaine affliction, j'ai appris le décès récent du cinéaste américain Roger Watkins, auteur d'un brulôt quasiment terroriste, LAST HOUSE ON DEAD END STREET, un film aussi radical que teigneux. En faire l'historique serait long, contentons-nous de dire que LAST HOUSE raconte les déboires d'un ex-taulard qui a entrepris de se venger sur la société, le tout raconté de façon syncopée et anarchisante à souhait. Une expérience cinématographique que je ne recommande pas nécessairement à tout le monde (certaines scènes sont plutôt dures). À l'origine, le film durait 180 minutes, mais la compagnie qui en possédait les droits l'a remonté de façon à en faire un film de... 75 minutes ! Quelle histoire...  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Sur le DVD du film, on trouve un documentaire retraçant le parcours de Roger Watkins, une succession d'échecs, de deuils à faire (je pense à son divorce particulièrement difficile), de projets avortés... La carrière de Watkins n'aura été qu'un long faux-départ, puisqu'après LAST HOUSE, il a réalisé une comédie de commande qu'il renie et une poignée de films X alimentaires, sans jamais pouvoir revenir à sa vision d'auteur. Sur le DVD en question, voir le jeune Watkins dans la vingtaine, enthousiaste, persuadé qu'il va devenir un cinéaste réputé, a quelque chose qui vous arrache le coeur, pour peu que vous soyez sensibles à ce genre de drame.... Un parcours qui, au final, fait de Watkins une figure tragique, à la manière de bien d'autres artistes - musiciens, auteurs, cinéastes - dont le parcours demeure un objet de fascination pour moi (Brian Wilson, Roky Erickson, Arthur Lee, André Héléna, Mario Mercier, Jayne Mansfield, etc.).